vendredi 3 juin 2011

"Sehnsucht" ou moi au pays des merveilles inaccessibles

Bon. Petite citation d’abord.
Nur wer die Sehnsucht kennt
Weiß, was ich leide!
Allein und abgetrennt
Von aller Freude,
Seh ich ans Firmament
Nach jener Seite.
Ach! der mich liebt und kennt,
Ist in der Weite.
Es schwindelt mir, es brennt
Mein Eingeweide.
Nur wer die Sehnsucht kennt
Weiß, was ich leide!
-Goethe

Explication : le mot Sehnsucht est maintenant mon mot préférée dans la langue allemande. Parce que je pense que c’est mon sentiment actuel. Et aussi parce qu’on dirait que les allemands –entendre ici le genre masculin allemand- sont dans cet état d’esprit de façon permanente. Bon. En fait, il s’agit plus ici de mon insatisfaction constante à approcher le mâle allemand qui, au risque de faire cliché, ne se laisse pas facilement aborder. Bon. Il faut dire qu’après 9 mois en sol berlinois, plusieurs tentatives ratées de simplement entamer une conversation avec des jeunes hommes, je commence à douter de mon charme légendaire. Mais qu’est-ce qu’ils ont ces mecs? D’accord, mon allemand n’est pas parfait, mais je me débrouille de mieux en mieux et je suis capable d’être cute en essayant de prononcer des nouveaux mots. Normalement, dans n’importe quel endroit de la terre, le fait d’avoir un accent et d’essayer de parler la langue du pays est un gage de réussite pour quiconque tente de jouer les séducteurs. Pas ici ça l’air.

Je vais au théâtre. Dans des expositions. Je lis au Viktoriapark, sur le bord de l’eau, sur le parvis de Jacob-und-Wilhelm-Grimm-Zentrum. Prends des verres (bière, thé, jus de fruits, Leitung Wasser, vin rouge, vin blanc, sekt, gin tonic…) dans des cafés ou dans des bars avec ou sans amis. Je sors dans des clubs. Ou dans des bars ben relaxes. Fais des piques-niques sur le bord de l’eau ou dans les parcs. Prends mon vélo régulièrement. Marche aussi en suivant mon instinct dans les rues. Va à la piscine. Rien à faire. Rien. Nothing. Nada. Nichts. Avec les allemands. On s’entend.

Donc, d’après mon expérience et exploration personnelles des sentiments, le mot Sehnsucht se définit  à peu près comme suit : c’est une sorte de nostalgie, mais une nostalgie de l’avenir. Comme une état d’esprit constant qui se traduit par un mal de l’âme, un vide que l’on souhaite ardemment remplir et combler, mais qui est d’une certaine manière utopique. Désirer quelque chose mais en étant persuadé que ça va être impossible à obtenir. Comme une sorte de regret de ce qui ne se produira probablement jamais, mais envers lequel on ose croire de manière insensée. Attendre passionnément que quelque chose se produise. Et souffrir parce que cette chose ne se réalisera potentiellement jamais. Voilà.

Je trouve que ce mot-là traduit est exactement le mot que je vois dans les yeux de mes chers allemands. Ceux dont je réussis à soutenir le regard plus de 2 secondes. Les rares avec qui j’ai eu des conversations de plus de 15 minutes. Il y a cet espère d’aura qui flotte autour d’eux qui protège leur coeur. Ils gardent une distance. N’expriment jamais d’émotions spontanées. Ils demeurent réservés. Discrets. Posés. Polis. Courtois. Contenu. Pas un geste qui pourrait trahir un trop plein d’affection.  Une poignée de mains au lieu de baiser sur la jour. Pas un mot de déplacé. Et impossible de surprendre un rapide regard sur votre décolleté plongeant. Ils se comportent de manière irréprochable. Et si par un quelconque alignement des planètes il se trouve que monsieur est charmé par votre sens de l’humour, votre aisance à faire la conversation et votre beauté d’amazone, il osera peut-être demander votre numéro de téléphone. Et encore. 5 minutes avant son départ. En s’excusant presque d’avoir passé un agréable moment en votre compagnie. Et en demandant si c’est peut-être quelque chose de possible d’obtenir votre numéro de téléphone. Si vous êtes d’accord bien sûr. Oui, oui. Et il s’en va. Et vous voyez une fois de plus dans son regard qu’il doute. De lui. De vous.

Mais je n’y peux rien. Je les aime ces allemands. Je persiste. Heiner Müller le dit mieux que moi. Version original---> Herzstück

1 - Puis-je déposer mon coeur à vos pieds.
2 - Si vous ne salissez pas le plancher.
1 - Mon coeur est propre.
2 - C'est ce que nous verrons.
1 - Je n'arrive pas à le sortir.
2 - Voulez-vous que je vous aide.
1 - Si ça ne vous ennuie pas.
2 - C'est un plaisir pour moi.
Moi non plus je n'arrive pas à le sortir.
1 - pleurniche.
2 - Je m'en vais procéder à l'extraction.
Sinon pourquoi aurais-je un canif.
Il n'y en a pas pour longtemps.
Travailler et ne pas désespérer.
Bon, eh bien le voilà. Mais
C'est une brique. Votre coeur
C'est une brique.
1 - Oui, mais il ne bat que pour vous.

-Heiner Müller, Germania Mort à Berlin

jeudi 2 juin 2011

L’ascension

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Comme je suis croyante et hyperpratiquante, en ce jour d’ascension, je me hisserai vers le ciel. Tel Jésus qui ressuscite, j’irai rejoindre le monde divin.  Ma mission? Dire check après chacune des choses sur la liste des 1001 CHOSES A FAIRE AVANT DE MOURIR [ou avant de quitter Berlin.] Dans le désordre ou dans l’ordre. Selon l’humeur du moment. Et si possible, avec des Câlinours. Particulièrement celui qui envoie des coeurs. Ou avec les Popples. Pop! Pop! Pop!

1. Aller au Schloss Charlottenburg

2. Assister à un Lunchtime concert de la Berliner Philarmoniker

3. Faire la queue au Berghain et se faire refuser --->Check!

4. Aller pleurer sur la tombe de Kleist

5. Nager au Badeschiff

6. Prendre un café à la Cafeteria Skyline TU --->Check!

7. Grimper sur les toits --->Check!

8. Visiter le Anatomisches Theater

9. Me ballader dans Marzahn

10. Photographier toutes les stations de S-Bahn / U-Bahn

11. Ne pas dormir pendant 48 heures --->Check!

12. Boire du Waldermeister --->Check!

13. Regarder Tatort dans un bar

14. Faire le Radioortung de Rimini Protokoll

15. Aller dans tous les parcs de Berlin

16. Me baigner dans Wannsee --->Check!

17. Me perdre dans un quartier inexploré --->Check!

18. Voir un bunker --->Check!

19. Observer des foetus cyclopes et autres maladies dégeulasses plongées dans le formol au Berliner Medizinhistorisches Museum ---> Check!

20.

… To be continued…

mercredi 1 juin 2011

Jour -28

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J’angoisse. J’aurai pas assez de 28 autres jours pour tout faire ce que je n’ai pas fait à Berlin. C’est quand la fin approche que je me dis que j’aimerais ça être une meilleure touriste. Ou de meilleure humeur, c’est selon. Je ne peux pas faire une liste des choses que je n’ai pas faites. Elle serait sans doute plus longue que celle des choses que j’ai faites. Et pis c’est aussi que je me dis que je n’ai rien accompli d’extraordinaire. Je n’ai pas trouvé de travail valorisant et stimulant sur le plan intellectuel. Je n’ai rien écrit d’autre que des mots en bretzel sur le bord de la Spree. Je sais même pas si je peux avoir une conversation intelligente en allemand. Il me reste encore 15 livres en trop. Le gym n’est toujours pas un ami que je visite régulièrement. Bridget Jones, c’est moé. Yé.

Mais je m’acharne. Parce que je ne suis pas encore parvenue à percer l’âme berlinoise. Ou l’âme allemande. Je sais pas ce que ça prend. C’est long. Mais ça on le savait déjà que j’étais lente. Et puis on aura beau dire ce qu’on voudra, je suis orgueilleuse. Ou comme le dit mon directeur de maitrise : mon ambition me tuera. Ben oui. Merci. Mais si je pouvais mourir écrasée par un S-Bahn, messemble que ce serait poétique. Ou j’aurais l’impression de mourir dans mon élément. Comme Brad Pitt dans Legends of the Fall. Mais non. Le chauffeur s’arrêterait. C’est clair. Les allemands et la courtoisie.

[Mais je tiens tout de même à préciser une chose. Faute d’avoir un testament. Je suis allée dans un cimetière par hasard et j’ai vue une tombe en roche. En fait, la pierre tombale était une roche. Et l’épitaphe était à même la roche. Pis je veux ça. Non mais tsé, ça porte bien son nom : une pierre tombale.  Les allemands et l’esthétisme funéraire.]

Alors je vais tenter ambitieusement de remplir ces 28 jours de germanitude. De lectures de poéticiens hambourgeois. De sorties culturelles berghainaises. De yoga sur  la Teufelsberg. Tout ça dans la joie et l’allégresse. Et sur le dos d’une licorne. Les allemands et la Fantasie.

*Je tiens à remercier ma soeur pour avoir un Iphone. C’est tellement irréel.